Il était tout fier le patron de Toshiba avec ses nouvelles lunettes ! Et pour cause, elles lui permettent de voir ce que les autres ne devinent pas, sans pour autant que s’y distingue un mini-écran: « elles ont l’apparence de lunettes normales », se félicitait-il lors d’une récente conférence de presse. Comme beaucoup d’autres, Toshiba s’intéresse de très près à l’informatique dite « vestimentaire », « portable » ou « wearable ».
« Et voilà, avec ce casque-vidéo sur la tête, vous êtes au milieu d’un groupe de starlettes japonaises ! » Tout fiers d’eux, des développeurs nippons n’ont pas attendu qu’Oculus soit rachetée par Facebook pour s’y intéresser. Car la réalité virtuelle et l’informatique vestimentaire passionnent les Japonais. Oculus VR venait à peine d’annoncer son rachat par Facebook pour 2 milliards de dollars que le groupe de presse japonais japonais Asahi organisait un premier salon de l’informatique vestimentaire avec Oculus en vedette. « Nous soulignons ainsi la pertinence de faire travailler les médias traditionnels et nouveaux avec les acteurs de la réalité virtuelle et de l’informatique vestimentaire », note Daisuke Takehara, producteur de cet événement pour le centre de recherche Media Lab de l’Asahi Shimbun.
En guise de démonstration, Asahi a filmé un groupe de jeunes chanteuses nippones avec plusieurs caméras synchronisées: en coiffant le casque Oculus, on se retrouve ainsi enctouré par ces demoiselles aguicheuses interpellant à tour de rôle l’utilisateur qui ne sait plus où donner de la tête. « Les journaux ne peuvent plus se contenter de publier une version papier, il faut aller plus loin, trouver de nouvelles façons d’informer le public, de le divertir aussi: mais si nous, sociétés de presse, ne développons pas nous-mêmes ces applications, nul ne nous les offrira », justifie M. Takehara.
« Avec l’informatique vestimentaire, les personnes auront de plus en plus l’information à portée de main en permanence et sous diverses formes sensorielles, et dans cette masse, la sélection sera nécessaire. Les journaux, qui sont des sources jugées fiables, ont un rôle à jouer dans cette aventure », précise-t-il.
« Cette année est considérée comme l’an zéro de l’informatique vestimentaire, c’est le bon moment », renchérit le directeur de l’Asahi Media Lab, Satoru Takada.
Asahi TV, chaîne du même groupe, emploie pour sa part le casque Oculus pour faire entrer virtuellement ses téléspectateurs dans le studio des émissions.
Et ce n’est pas tout: avec des lunettes du type Google ou Toshiba, les développeurs d’Asahi espèrent continuer de faire vivre le média papier grâce à l’électronique: « prenez ce journal et regardez la une, une vidéo va apparaître sous vos yeux », explique un autre responsable de Media-Lab, avec en ligne de mire diverses applications, notamment pour délivrer des informations sous des formes étonnantes lors des jeux Olympiques de Tokyo en 2020 au cours desquels le Japon veut être une vitrine technologique. Cette ambition est aussi celle de géants comme Sony, Sharp, Panasonic ou NTT Docomo, mais aussi de jeunes pousses qui fourmillent d’idées.
C’est le cas de Logbar, une toute petite société qui devrait tout prochainement vendre pour 150 euros une « bague télécommande » capable de réagir à des raccourcis gestuels simples, sans toucher son smartphone, sa TV ou son baladeur. Elle permet par exemple de déclencher la musique en dessinant un P (pour « play ») dans le vide avec son doigt, ajuster le volume par une rotation poing fermé, explique le créateur de cette société, Takuro Yoshida.
Moff, une autre petite firme, a imaginé un bracelet pour jouer à tout sans rien ou presque via la détection de mouvements associée à un programme sur smartphone.
« Pour le moment, ce n’est qu’un jouet que j’ai eu l’idée de créer afin que mon enfant ne reste pas passif devant un écran mais s’active physiquement », explique Akinori Takahagi, patron de Moff.
L’utilisateur sélectionne une discipline, par exemple « tennis », et doit ensuite exécuter les gestes pour être récompensé par le son et se croire alors sur un terrain. Même chose pour un riff de guitare, un combat de samouraï ou toute autre action sélectionnée.
« Il y a potentiellement beaucoup d’applications professionnelles possibles, notamment pour le contrôle de la bonne gestuelle dans un travail manuel », précise M. Takahagi.
Logbar comme Moff ont choisi de financer leurs projets respectifs via la récolte de fonds en ligne, une solution qui n’existait pas il y a 20 ans mais qui aujourd’hui constitue une nouvelle possibilité de concrétiser des idées même pour qui n’en a pas les moyens financiers.
Nombre d’autres entreprises qui ont déjà une activité bien assise tablent aussi sur l’informatique vestimentaire, telles Omron, avec des podomètres multifonctionnels, et Toray, avec des maillots de corps à capteurs pour surveiller sa condition physique.
Cette nouvelle voie, qui requiert non seulement des logiciels mais aussi des composants électroniques miniatures et de grande précision, constitue une chance pour l’industrie japonaise qui excelle en la matière, souligne Takeshi Natsuno, ex-dirigeant de NTT Docomo aujourd’hui professeur à l’Université Keio.
Il y a de surcroît de grandes marges de progression pour ces instruments d’informatique vestimentaire: un seul exemple, les bracelets et autres podomètres qui mesurent entre autre l’activité physique. Dans la très grande majorité des cas (voire 100%), ils sont certes bien pour les marcheurs et les coureurs, mais pas pour les cyclistes puisqu’ils sont encore incapables de prendre en compte les coups de pédale !
Le potentiel est en outre d’autant plus large que les Japonais pensent non seulement à l’utilisateur particulier mais aussi à des professionnels pour qui ces technologues combinées à l’usage des réseaux et de la réalité virtuelle peuvent radicalement changer la façon de travailler. Ainsi les lunettes de Toshiba sont-elles d’abord pensées pour des techniciens de maintenance d’appareils ou installations. En fonction de la tâche à effectuer s’y affichent des instructions diverses. Fujitsu a pour sa part conçu un système aussi destiné à la maintenance en employant la réalité virtielle. Imaginez un techicien de complexe industriel qui n’aurait qu’à cadrer les tuyauteries et vannes auxquelles il fait face pour savoir laquelle sert à quoi, quand elle a été contrôlée, quels pépins elle a connu et ce simplement en lisant son écran au lieu de s’escrimer à décrypter des plans et carnets dont la mise à jour n’a pas forcément été effectuée.
De plus, l’informatique portable exige aussi des composants de plus grande qualité, ce qui élargit encore l’implication potentielle des Japonais.
Parmi les éléments-clefs, figurent les écrans tactiles qui sont loin d’avoir dit leur dernier mot. Tactiles ils sont, tactiles ils seront encore plus.
« Faites glisser votre doigt ici, sur le dos du crocodile, vous sentez ? » La sensation tactile de relief, de crans ou de toute autre surface peut être simulée. Le sens du toucher est leurré par la perception d’une vibration ultra-son coordonnée avec l’image: le cerveau combine les deux et le doigt croit ainsi sentir le relief de la peau du crocodile, le crantage d’une molette de coffre-fort ou encore les cordes d’un koto (instrument traditionnel japonais).
Fujitsu espère proposer des smartphones intégrant cette technologie dans le courant de 2015.
La Source: clubic.com
Auteur: Karyn Poupée